Jeanne d'Arc et le mythe revisité

2 Octobre 2007

Entretien fictif avec les auteurs de "L'Affaire Jeanne d'Arc" (Edition Florent Massot).

Marcel Gay: journaliste à l'Est Républicain, chargé des affaires judiciaires.
A enquêté 10 ans sur Jeanne d'Arc.

Roger Senzig: ancien membre des services secrets français durant la seconde guerre mondiale. Latiniste, paléographe, spécialiste de Jeanne d'Arc.

Ce que j'en dis: Qui était vraiment Jeanne d'Arc?

Marcel Gay: Elle n'a jamais été une petite bergère pauvre de Domrémy. Elle a d'ailleurs déclaré deux fois lors de son procès qu'elle n'avait "jamais gardé les moutons et autres bêtes."
De plus, elle était excellente cavalière, montait des destriers fougueux, pas des bourriques et se battait comme un homme.

Roger Senzig: En effet, elle n'avait rien de la petite paysanne illettrée qui parle patois. Elle connaissait les usages de la Cour, parlait un très bon français comme on a pu le voir lors de son procès et écrivait de belles lettres.

CQJD: Quelles sont alors ses véritables origines?

M.G: D'après des lettres retrouvées et signées par elle, elle ne s'est jamais appelée "d'Arc". Son nom était Jeanne d'Orléans et elle était princesse.
Ses parents étaient la reine Isabeau de Bavière (Epouse du roi Charles VI de France) et son amant, Louis d'Orléans, le frère de Charles VI.
Elle était donc la soeur de Charles VII qu'elle aida dans son combat contre les anglais lors de la guerre de Cent Ans, grâce à son épopée.

CQJD: A-t-elle brulé sur le bûcher à Rouen en 1431?

M.G: Non, c'est une inconnue qui l'a été à sa place. Bizarrement, dans les descriptions de sa mort, Jeanne apparait voilée et se trouve à trois mètres de hauteur sur le bûcher. Il est donc impossible d'affirmer que c'est elle.
De plus, ses restes sont méthodiquement détruits et jetés dans la Seine. Il n'est donc rien resté de ce corps.

CQJD: Qu'est-elle devenue dans ce cas?

M.G: Elle disparait pendant cinq ans et le 14 mai 1436, elle est reconnue à la Grange-aux-Ormes, près de Metz, par ses deux frères, ainsi que par les grands bourgeois de la région. De nombreux documents indiquent aussi sa présence en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne, à Cologne.
Elle épouse ensuite, la même année, le Chevalier Robert des Armoises et continue de faire la guerre. On la retrouve également à Orléans.
Après 1440, on perd sa trace.

CQJD: Comment peut-on être sûr que c'était bien Jeanne d'Arc?

R.S: Toutes celles qui ont usurpé son identité ont été confondues. Par contre, Jeanne des Armoises a été reconnue comme étant Jeanne d'Arc par toutes les personnes qui l'avaient fréquenté intimement avant 1431: le roi, Yolande d'Anjou et ses anciens compagnons d'armes, entre autres.

CQJD: Comment est donc né le Mythe?

M.G: "L'opération pucelle" a été imaginée par Yolande d'Anjou, belle-mère du roi Charles VII pour servir d'arme psychologique contre les anglais.
Quoi de plus terrifiant, en effet, que de combattre une jeune vierge envoyée de Dieu, seul détenteur du droit à cette époque!

R.S: Effectivement, par les clauses du Traité de Troyes, le royaume de France se retrouve avec deux souverains de droit divin: le roi d'Angleterre Henri VI et Charles VII qui se proclame aussi souverain après avoir été chassé de Paris.
Yolande d'Anjou va se servir d'un événement extraordinaire pour réaliser son plan: Jeanne, une jeune fille de 13 ans, a entendu la voix de Saint-Michel, ainsi que celles de deux saintes: Marguerite d'Alexandrie et Catherine d'Antioche.
Or ces dernières n'ont jamais existé.

CQJD: Mais, alors, Jeanne était une fabulatrice?

R.S: Pas du tout. Elle a sûrement entendu des voix, mais pas celles qu'elle croyait entendre. Plus certainement les voix réelles de trois gentes dames qu'elle aurait rencontrées à l'Hermitage de Notre-Dame de Bermont, près de Domrémy, comme l'atteste un témoignage de 1456. Notamment Colette de Corbie qui était en relation avec Yolande d'Anjou.
Le mythe était né. Et cela allait fonctionner.

M.G: Il ne faut pas oublier que l'on baignait à cette époque en pleine irrationnalité.

CQJD: Que reste-t-il du mythe aujourd'hui?

M.G: Il a perduré jusqu'à nos jours. Jeanne d'Arc n'a-t-elle pas été une icône pour la République Française à la fin du XIX ème siècle? Elle fut même canonisée en 1920.
Et aujourd'hui, n'est-elle pas un symbole de la France pour le Front National?