Rétro voyages 2014: Au pays des Chevaliers de Malte

Malte est à la fois un état, un archipel et une île. Les touristes y viennent donc principalement pour s'y baigner. Mais il ne faudrait pas la réduire aux plaisirs balnéaires. Car son histoire est très ancienne et très riche.

Situé au sud de la Sicile, si près (moins de 100 km) que les Maltais n'hésitent pas à se rendre en ferry, pour la journée, au marché de Catane, cette petite république a une place stratégique en Méditerranée. Ce n'est pas pour rien que Britanniques et Français se sont disputés ce territoire après que Napoléon eut chassé, en 1798, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui le gouvernaient depuis 1530.

L'Ordre de Malte

Evidemment, les plus beaux édifices datent de cette période faste pendant laquelle cet Ordre, à la fois militaire et hospitalier, chargé par Charles Quint de protéger l'Europe contre les Turcs, a développé l'archipel.

Il serait fastidieux d'énumérer toutes ces merveilles, mais il faut absolument visiter la capitale actuelle, La Valette (Valetta), inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco et sa co-cathédrale Saint-Jean contenant les tombeaux des chevaliers. Son style baroque n'est pas des plus esthétiques, mais c'est à voir pour sa grandiosité. Et puis les jours de matchs de foot, il est amusant de croiser les supporters de l'équipe locale qui déambulent dans les rues avec leurs banderoles et leurs chants.

Au pied des remparts sud de la citadelle, de l'autre côté du Grand Harbour, s'étendent les Trois Cités, fortifiées, de Vittoriosa (Birgu), Cospicua (Bormla) et Senglea (L-Isla). Beaucoup moins touristiques et plus populaires, elles méritent qu'on y passe un moment, ne serait-ce que pour leurs formidables fortifications.

Il faut aussi se rendre dans le centre de l'île pour flâner dans les rues calmes (les autos y sont interdites) de l'ancienne "Citta Notabile", la ville des nobles, fortifiée, de Mdina (Le terme vient de l'arabe "médina", ville). C'était la capitale avant l'arrivée des chevaliers. Là, contrairement à La Valette, on peut se promener en toute tranquillité, d'où le surnom de "cité silencieuse", pour cette merveille fondée par les Phéniciens. Ici aussi a été construite une cathédrale, celle de Saint-Pierre et Saint-Paul. Mais sa visite ne s'impose pas: on peut se contenter d'admirer son architecture extérieure, sauf pour les inconditionnels de l'art baroque.

Dans toutes ces villes, on trouve ce que l'on appelle des "auberges". C'étaient des hôtelleries où se retrouvaient les chevaliers de l'Ordre, suivant la Langue qu'ils parlaient. Ainsi celle de Provence ou encore celle de Castille. Cette dernière est aujourd'hui le siège du Premier Ministre Maltais dans la capitale.

Les Auberges de Birgu méritent une attention particulière, éparpillées dans les petites rues paisibles de cette magnifique cité gardée par la redoutable Porte de Provence. Ce fut la première capitale des chevaliers, puis le siège de l'inquisition dont le tribunal se tenait dans le très beau Palais de l'Inquisiteur.

Tout près de là, presque tous les dimanches de l'année, se déroule une reconstitution historique de 45 minutes, en costumes, la parade "In Guardia", dans le bastion de Saint John's Cavalier, sur les fortifications sud de Vittoriosa.

La dernière commune importante représentative de cette période se trouve sur Gozo. Il s'agit de sa capitale, Victoria (Ir-Rabat). Son nom actuel a été donné en 1897 en l'honneur des 60 ans de règne de la reine d'Angleterre. Du haut de sa citadelle, on embrasse toute l'île.

L'atmosphère gozitaine est toujours reposante. On se croirait hors du temps. La civilisation moderne ne l'a pas encore envahie, contrairement à sa grande voisine.

Temples préhistoriques et Catacombes chrétiennes

Et c'est sur Gozo d'ailleurs que se situe le plus vieux temple mégalithique de l'archipel: Ggantija, qui date de 3600 ans avant J.-C. Car l'histoire du pays débute il y a 5000 ans avant notre ère, avec l'arrivée des premiers hommes, venant sûrement de Sicile.

D'autres temples préhistoriques sont visibles sur l'île de Malte, dont celui, souterrain, de Hal-Saflieni (Hypogée), construit entre 3000 et 2400 ans Av.J.-C. Mais attention: comme c'est un lieu protégé et classé par l'Unesco, le nombre de visiteurs est très limité et il faut réserver son billet plusieurs jours à l'avance.

Si vous ne l'avez pas fait, vous pouvez toujours vous contenter des mégalithes tout proche de Tarxien, également de la fin du Néolithique.

Dans le sud de l'île, la visite des sites de Hagar Qim et de Mnajdra est à prévoir, avec de bonnes chaussures et de l'eau pour parcourir la lande dénudée.

Le même jour, puisque ce n'est pas loin, il en faut profiter pour effectuer la sortie en mer pour la Grotte bleue, à Wied iz-Zurrieq. En fait, il y a plusieurs cavités. Du village, après s'être promené sur la falaise pour la vue, on descend jusqu'à un petit port protégé. Les pêcheurs du coin vous emmènent à bord de leur barques pour une courte promenade de 20 minutes. Le tarif demandé est un peu prohibitif. Mais, bon, il faut bien vivre!

D'époque beaucoup plus récente que les temples, les catacombes chrétiennes de Saint-Paul et de Sainte-Agathe, des tout premiers siècles de notre ère, se trouvent à Rabat, les faubourgs de Mdina. Il est préférable, si l'on doit choisir entre les deux, de visiter les secondes. Outre le fait qu'il y a moins de monde, les Catacombes de Sainte-Agathe possèdent des fresques murales.

L'économie touristique

Le tourisme est devenu une manne financière pour ce peuple aux multiples origines. Outre les premiers hommes de la Préhistoire, Malte a été plus ou moins longtemps occupée par les Grecs, les Romains, les Carthaginois, les Vandales, les Ostrogoths, les Byzantins, les Arabes (on sent partout leur influence dans l'architecture, le savoir-faire agricole, la culture et la langue maltaise) et les Normands, avant que ne s'installent ceux qui allaient devenir les chevaliers de l'Ordre de Malte. De la courte occupation française, on retiendra qu'elle a mis fin à 268 ans de domination de ces derniers. Les Britanniques, eux, ont fait de l'archipel une colonie de 1800 à 1964, date de l'indépendance.

Des nombreux forts qui parsèment le littoral, celui de Rinella (XIXe siècle), sur la pénisule de Karkara (qui possède par ailleurs de superbes points de vue sur La Valette), présente la particularité d'avoir l'un des deux plus gros canons du monde (100 tonnes), construit par les Anglais. Une visite guidée et un spectacle historique présentent un certain intérêt, surtout pour les enfants.

Tout proche, on peut apercevoir des studios de cinéma. On dirait qu'ils sont abandonnés, mais l'industrie cinématographique est florissante sur l'île. Dans le fort de Ricasoli, à côté, on a par exemple reconstitué le Colisée du film "Gladiator", ou encore, la ville antique du film "Troie".

Aujourd'hui, l'économie s'est tourné vers le tourisme linguistique. La dernière mode, c'est de venir sur l'archipel pour apprendre l'Anglais. De nombreux organismes proposent des stages de langue et les étudiant viennent de l'Europe entière attirés par des coûts inférieurs à ce qu'ils seraient en Grande-Bretagne ou dans d'autres pays anglo-saxons. Le soir, toute cette jeunesse se retrouve dans les bars et les night-clubs du quartier de Paceville.

Les bains de mer

Mais l'activité principale reste quand même le tourisme balnéaire. Et pourtant, il y a très peu de plages. Et l'urbanisation a défiguré une bonne partie de la côte. Si les autochtones et les touristes se baignent en pleine ville comme à Sliema ou Saint Julian's au nord de La Valette, ou dans la magnifique baie de Saint-Paul, il y a pourtant des lieux plus agréables à l'écart de l'agitation. A Pâques du moins, car pendant la période estivale, la foule envahit le pays.

Dans le sud, près du petit port de pêche de Marsaxlokk dont les luzzi (barques peintes de toutes les couleurs et agrémentés d'un oeil sculpté sensé protéger les pêcheurs) parsèment la baie, il faut prendre la route qui mène à la pointe Délimara. Sur cette péninsule, la mer a creusé dans la roche la piscine naturelle de Saint Peter's Pool. Assez difficile à trouver si l'on n'est pas du coin, on arrive sur d'immenses plages rocheuses qui dominent une eau turquoise. Splendide!

Autre endroit, en remontant la côte nord-ouest de Malte: Ghajn Tuffieha Bay. Cette plage de sable ocre vaut le détour pour son aspect sauvage et son accès pédestre. Elle offre un contraste saisissant avec la trop touristique Golden Bay qui lui est contiguë et qui, elle, est bordée d'affreux hôtels et bondée en été.

Plus au nord, voici la baie de Mellieha et la plus longue plage de l'île. Avec son sable fin, elle attire beaucoup de monde. Dommage, car elle est magnifique et pour en profiter, il faut y venir hors saison.

En poursuivant la route qui monte vers la péninsule de Marfa, encore peu connue et fréquentée essentiellement par les Maltais ou les amateurs de kitesurf ou de windsurf, un arrêt à la Red Tower (Saint Agatha's Tower, XVIIe siècle) s'impose. De ce promontoire, on a une vue exceptionnelle sur les îles de Gozo et Comino.

Puis, se profile Paradise bay qui, comme son nom l'indique, est un petit coin de paradis. Ou plutôt, était, car, bien sûr, bien qu'un peu à l'écart de la route principale et accessible uniquement à pied par un petit chemin ou par la mer, elle attire de plus en plus de vacanciers, surtout depuis qu'a été construit, en face, l'hôtel Paradise Bay Resort. Entre deux falaises, on trouve une petite plage à l'eau transparente que surplombe la terrasse d'un bar-restaurant qui fait de merveilleuses glaces. Bien sûr, en avril, c'est encore calme.

Il ne reste plus qu'à prendre le ferry qui dessert Gozo à la gare maritime de Cirkewwa ou une navette pour le Blue Lagoon. Délimité par Comino et l'îlot de Cominotto, c'est "Le" lagon de l'archipel. Mais à la différence des Seychelles ou de la Polynésie, les bateaux de croisière y sont trop nombreux, surtout en été, ce qui dénature le site et lui enlève une grande partie de son charme.

Enfin, dernière destination balnéaire, sur l'île de Gozo cette fois. Du port de Mgarr où arrivent les ferries, on doit traverser l'île d'est en ouest jusqu'au typique village de Gharb, puis descendre jusqu'à Dwejra Point, un des coins les plus sauvages de tout l'archipel et un paradis pour les plongeurs de par la limpidité de son eau. Les plus téméraires pourront se baigner, mais attention, car la côte rocheuse est souvent agitée.

Le lieu réserve d'autres surprises comme sa tour fortifiée du XVIIe siècle, sa falaise trouée, l'Azur Windows (it-Tieqa), un énorme bloc de pierre plat qui repose sur deux énormes rochers dans la mer et, tout près de là, le Fungus Rock. Il présente la particularité de se couvrir en été de fleurs qui portent un champignon parasite, presque unique au monde, qui soignerait certaines maladies du sang.

Les balades et le shopping

Pour ceux que les bains de mer n'attirent pas plus que ça, d'autres activités sont possibles, notamment de nombreuses promenades dans la nature ou dans les villages isolés de la côte ouest de Malte, de loin la plus sauvage et la moins fréquentée par les touristes.

C'est de ce côté que se situent, au milieu de paysages vierges, le point culminant de l'île (253 m) et les falaises de Dingli qui forment un rempart naturel face aux envahisseurs. Elles sont célèbres pour leurs couchers de soleil. Sur leurs flancs, on peut apercevoir des jardins en terrasse. On peut garer sa voiture au niveau de la petite chapelle Madliena pour aller marcher et profiter de l'atmosphère paisible du coin.

A Gozo, les falaises de Ta' Cenc, au sud de Victoria, surplombent une mer aux eaux d'un bleu profond et offrent un point de vue exceptionnel sur Malta et Comino. En plus, l'endroit est peu connu, à l'exception des randonneurs, et c'est un lieu de pique-nique privilégié face à l'horizon infini.

Après cette petite excursion, rendez-vous dans le sympathique (mais pour combien de temps encore?) petit port de Xlendi et sa baie enchâssée entre deux parois rocheuses. On peut s'y baigner, boire un verre, voire y manger dans un des nombreux restaurants, mais la nourriture n'est pas terrible! Par contre pour les gourmands, les glaces de la Gelateria Granola sont incontournables!

Si l'on préfère le bord de mer avec un peu d'animation, rien de tel que la promenade le long de la baie de Saint-Paul. De la tour Qawra, au bout de Bugibba, jusqu'au vieux village de Saint Paul's Bay et sa tour Wignacourt, avec en contrebas le petit port de pêche et les piscines naturelles où l'on peut se rafraîchir, on ne se lassera pas de son panorama. Au passage, on peut s'arrêter pour observer une partie de "bocci", le jeu de boules maltaises (petites balles et cylindres en bois de couleur, verts ou rouges).

Tous les mois d'avril, la Baie de saint-Paul sert de cadre également, avec La Valette et Marsaxlokk, au festival international de feux d'artifice de Malte (Malta International Fireworks Festival). Les illuminations au-dessus de la mer qui se succèdent pendant plusieurs dizaines de minutes sont un spectacle féerique. Le meilleur endroit pour le contempler, c'est sur les roches plates en contrebas de la promenade du front de mer.

Côté shopping, Sliema est la ville où il faut aller, avec ses hôtels de luxe, ses bars et restaurants, et ses boutiques. La pointe Tigné est en train de devenir une vaste zone commerçante et résidentielle. On y trouve déjà le plus grand centre commercial de Malte et un parking souterrain. Le fort qui ferme cette péninsule et qui lui a donné son nom est le dernier construit par les chevaliers. Il est en train d'être restauré.

Ainsi, passé et présent vont être réunis!

Quant au futur, Malte se prépare à faire de La Valette la capitale européenne de la culture en 2018.

Le pays des chevaliers de l'Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem (puisque c'est son nom complet), vous l'aurez compris, c'est mieux au printemps, même si l'eau est encore un peu froide, surtout pour des méditerranéens!

Mais la chaleur qui pourrait manquer est largement compensée par la tranquillité que l'on peut y gagner à cette époque. Et puis, du côté du portefeuille, comme partout sur la planète, mieux vaut éviter les pleines saisons touristiques.